Depuis vingt ans, les terrains multisports en accès libre fleurissent un peu partout, dans les grandes villes mais aussi dans les communes plus modestes. Ces équipements répondent aux attentes de la population, avec une pratique plus auto-organisée. Mais génèrent également des nuisances, bruit notamment, ainsi que des problèmes de sécurité.
Difficile de connaître exactement le nombre d'équipements sportifs en accès libre sur le territoire. Venant en complément d'autres équipements sportifs plus classiques dans les grandes villes, les aires multi-sports en accès libre sont souvent, dans les petites communes rurales, le seul équipement sportif de proximité, qui plus est, « gratuit » pour l'usager.
Homologation européenne
Devant la multiplication des sites, les fabricants, les élus, les fédérations, se sont penchés dès les années 2000 sur la rédaction d'une norme qui a abouti, en mai 2007, à une première homologation (1), élargie au niveau européen en octobre 2010 (2). Celle-ci s'applique donc aux « équipements sportifs en accès libre, destinés à être installés de manière permanente, permettant de pratiquer un ou plusieurs sports, et dont l'accès n'est pas réglementé, ni nécessairement surveillé ». Hauteur des barrières de séparation, revêtement du sol, protection des vis de maintien des différents buts, risques de coincements... chaque poste est analysé et détaillé. Cependant, au-delà des normes du matériel stricto sensu, l'installation d'équipements en accès libre et sans surveillance implique et impose des règles de bonne conduite et de bon sens.
Bon emplacement
Le bruit représente l'une des nuisances le plus souvent dénoncées par le voisinage, et il convient donc d'être particulièrement vigilant quant au lieu d'implantation: « Nous réalisons toujours une étude poussée sur le terrain. Ce qui importe, c'est le bon emplacement et pas seulement la bonne distance », précise Régis Kaskosz, gérant de la société Agorespace, fabricant de terrains multisports. Car l'ouverture d'un terrain multisport génère des allées-venues, de vélos et scooters, une occupation parfois très tardive des lieux, et aussi d'autres utilisations non prévues... cela aussi bien dans les villages que dans les villes. Fin 2011, le Conseil national du bruit s'est d'ailleurs penché sur les nuisances liées au bruit et a édité un rapport sur ce sujet (3). Après un inventaire très complet portant non seulement sur les plaintes recensées, mais aussi sur les dispositions réglementaires applicables à la création ou à l'utilisation de ces aires de plein air, le rapport énumère un certain nombre de préconisations.
Code de bonne conduite
En premier lieu, « le bruit émis par les activités d'une aire multisport de proximité rentre dans le champ d'application du code de la santé publique relatif à la lutte contre les bruits de voisinage ». Et ces bruits ne doivent pas être de nature à compromettre la tranquillité des riverains (art. R.1334-31). L'infraction relève d'ailleurs du tribunal de police, le maire étant chargé de faire appliquer ce code. Il convient alors aux élus de prendre toutes les dispositions réglementaires pour limiter l'usage (interdiction d'utilisation en soirée par exemple), et édicter une sorte de code d'utilisation et de bonne conduite. C'est ce que font certains fabricants, avec la mise en place d'un panneau à l'entrée des installations. Les communes y réfléchissent également, à l'instar de la ville de Rezé (Loire-Atlantique) qui devrait mettre en place une « charte d'utilisation » et des pictogrammes apposés sur chaque site de la commune.
Permis de construire
Les nuisances peuvent être visuelles ou paysagères. Là aussi des garde-fous existent puisque la création d'une aire multisport répond au code de l'urbanisme. Elle est soumise au dépôt d'un permis de construire lorsque la surface de l'équipement est supérieure à 2 hectares (cas bien évidemment rarissime), ou que l'installation, quelle que soit son importance, est sise dans un secteur sauvegardé, dans un site classé, ou une réserve naturelle. Un cas beaucoup plus fréquent qui concerne nombre de centres-villes historiques. Des réserves sont émises concernant des équipements particuliers: l'implantation de poteaux et/ou grillages d'une hauteur de plus de 12 mètres est ainsi soumise à une déclaration préalable de travaux.
L'esthétique compte aussi
La norme européenne (découlant, avec trois évolutions, de la norme française) traite bien sûr quasi exclusivement de la sécurité du matériel, du site, des usagers et des usages « inattendus ». On privilégie donc les matériaux souples, pour les sols, et les matériaux pérennes et moins vandalisables. Mais d'autres critères doivent être pris en compte, comme le côté convivial de l'installation, et l'esthétique, à la fois pour une meilleure intégration dans le site et pour attirer davantage d'utilisateurs. On constate notamment que certains caillebotis en métal avec des angles trop aigus s'avèrent dangereux, ou se dégradent plus vite. Idem pour les hauteurs des balustrades (la norme prévoit une hauteur de 90 à 100 cm). Des adaptations, comme des mini-assises sur les balustrades, peuvent apporter de la convivialité, tout en assurant la sécurité et une solidité maximale.
Auto-organisée
C'est un constat assez unanimement partagé, tant par les responsables de services de sports, que par les clubs ou les fabricants. « La pratique en libre accès se développe d'une façon générale en France, et le sport se pratique davantage de manière auto-organisée, sans adhérer à une structure comme un club », reconnaît-on au service des sports de Rezé. La ville a intégré les espaces en accès libre dans sa politique sportive. « Nous sommes très à l'écoute des demandes des jeunes, qu'ils passent par des associations, ou par d'autres biais. D'ailleurs, nous réalisons un schéma directeur de nos équipements en libre accès ». Ces nouvelles pratiques sportives, au-delà des simples jeux de ballons habituels, comme le disc-golf ou le street workout impliquent évidemment de nouvelles règles de sécurité, et de vivre ensemble.
(1) NF EN 15312. (2) NF EN 15312 + A1. (3) Voir sur www.developpement-durable.gouv.fr