Développement trop lent pour les uns, pas assez encadré pour d'autres... Dix ans après la création de la première commission départementale dédiée aux sports de nature, le dispositif semble devoir être encore amélioré. Notamment sur le plan juridique.
«Après plus de dix ans de mise en œuvre, le dispositif laisse apparaître des points faibles qu'il conviendrait de corriger. » Par ces mots, en Une de la « Lettre du réseau national des sports de nature », en novembre dernier, Germinal Peiro, député et vice-président du conseil général de la Dordogne, résume l'impatience de certains élus et de techniciens territoriaux, ceux qui, au cœur de territoires bien décidés à tirer profit des sports de nature - en matière économique et touristique notamment - veulent consolider leurs politiques volontaristes et (parfois aussi) leurs investissements en la matière.
Pas la priorité
Particulièrement visées les questions relatives à l'opposabilité des plans départementaux des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (Pdesi) aux tiers, ou encore à la responsabilité engagée par ces pratiques. Or, comme le rappelle Benjamin Éloire, chargé d'études environnement et développement durable à l'Association des départements de France (ADF) : « Ce n'est pas là le sujet prioritaire des élus, à la tête de collectivités confrontées à des situations d'urgence sociale ; l'ADF n'a d'ailleurs pas encore de position officielle sur ces questions. » Quant à ceux qui s'étonnent toujours de la lenteur du développement, depuis dix ans, du nombre de commissions départementales des espaces, sites et itinéraires de sports de nature (Cdesi) - la première a été créée en 2003 - il tient à remettre là encore les choses dans le contexte d'actualité des départements français : « La progression, au rythme de trois à cinq chaque année, du nombre de Cdesi est plutôt correcte ; surtout que les sports de nature ne revêtent pas le même intérêt et les mêmes enjeux pour tous les territoires et que les assemblées œuvrent sur ce sujet sans financement dédié ! »
Chiffres clés
- 25 millions de Français âgés de 15 ans ou plus pratiquent occasionnellement des sports de nature (ski, sports de neige, randonnée, canoë, escalade, pêche, équitation, vélo, etc.).
- 3,1 millions de licences et autres titres de participation (ATP) recensés en 2011 au sein de la trentaine de fédérations dites de « sports de nature » (18 % du total distribués par l'ensemble des fédérations agréées).
- 56 625 équipements, espaces et sites de pratique (18 % du total).
- 55 Cdesi installées au 31 juillet 2013 : il s'en crée en moyenne 5 par an depuis 2003.
- 35 membres en moyenne dans les Cdesi installées, réunis une à deux fois par an.
- 28 Pdesi votés et mis en œuvre et 21 sont en cours d'élaboration. Source : PRNSN et MS.
Lente montée en puissance
Les conseils généraux sont certes, selon le Code du sport, les chefs de file des Cdesi et Pdesi mais seulement 55 départements disposent à ce jour d'une Cdesi, avec encore moins de Pdesi à la clé : (28 votés uniquement). Même si 21 sont en cours d'élaboration selon la dernière enquête du ministère et de son Pôle ressources national dédié au développement des sports de nature (PRNSN), lui aussi depuis dix ans ! Tant pis si ces Pdesi sont les seuls outils à même de pérenniser les espaces, sites et itinéraires de pratiques utilisés chaque année par quelque 25 millions de Français ! Au ministère des Sports, pas question de baisser les bras. On reconnaît simplement que « tous les départements n'ont pas le même intérêt dans la mise en œuvre des Pdesi (faible demande, faible attractivité) », mais que, globalement, « après une lente montée en puissance, le mouvement s'accélère ». En réalité, les travaux de concertation entamés de longue date en Cdesi finissent, c'est vrai, par aboutir progressivement. Mais la généralisation n'est toujours pas d'actualité. Sans obligation de résultat (et parfois sans moyens), beaucoup de départements refusent d'avancer ; tandis que d'autres, plus motivés, sont aujourd'hui demandeurs d'outils qui permettraient d'optimiser les dispositifs existants.
Bon à savoir
Cinq articles encadrent, dans le Code du sport, la mise en œuvre de la « politique de développement maîtrisé des sports de nature » par les départements. Au-delà, une vingtaine d'autres textes, issus des Codes du sport, du tourisme, de l'environnement, de l'urbanisme ou encore du Code forestier ont des incidences directes sur la conduite du dispositif Cdesi/Pdesi.
• Article R.311-1 - Le département installe une commission départementale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature (Cdesi).
• Article R.311-2 - Les missions de la Cdesi (élaboration du Pdesi, etc.).
• Article R.311-3 - Les modalités de fonctionnement de la Cdesi.
• Article L.311-3 - Le département favorise le développement maîtrisé des sports de nature. Il élabore le Pdesi qui inclut le PDIPR.
• Article L.311-6 - Des mesures compensatoires peuvent être mises en œuvre en cas de modification des ESI inscrits au Pdesi. Source : ADF - Code du sport.
À deux vitesses
Il y aura donc, désormais, un « développement maîtrisé des sports de nature » - c'est le terme consacré par le ministère des Sports - à deux vitesses sur le territoire national. Car, pendant que certains s'interrogent sur le bien-fondé d'une démarche impulsée dès 2000 (voir encadré « Bon à savoir »), d'autres veulent déjà aller plus loin. « La mise en œuvre de cette politique mérite une assise juridique plus forte » a-t-on entendu lors d'un récent colloque au Sénat sur le thème « Sports de nature et développement des territoires : aspects juridiques et socio-économiques ».
Le PRNSN s'est d'ailleurs appuyé sur l'expertise du Centre de droit et d'économie du sport (CDES) et du cabinet d'avocat CDES-Conseil afin d'éclaircir des questions aussi techniques que l'opposabilité aux tiers des Pdesi (à l'instar des PDIPR) ou les notions de responsabilité et d'assurances en cas de litige (voir encadré « Préconisations »). Tandis que d'autres techniciens et élus s'interrogeaient sur la possibilité d'inclure les Pdesi dans les Scot et les PLU (« possible dans la recherche d'une plus grande force juridique des Pdesi », dixit le ministère), les délibérations communales pour inscrire un ESI (« pas juridiquement imposées mais plus que souhaitables »), etc.
Droit « mou »
Pour Franck Lagarde, avocat de la société CDES-Conseil, « le dispositif de la loi Buffet, de 2000, mise sur la concertation et non la contrainte, un droit mou en quelque sorte, qui a fait ses preuves, même s'il existe quelques freins comme les questions de responsabilité ou de réglementations environnementales liées à la nature des sites ». Thierry Bedos, directeur du PRNSN, convient d'une certaine nécessité de renforcer l'assise juridique du dispositif et parle de « consensus » à propos de l'inscription des Pdesi dans les documents d'urbanisme afin d'assurer une pérennité réglementaire, et non plus seulement contractuelle, à ces plans. Consensus aussi, sur le principe de la limite de responsabilité qui exonère les propriétaires, « même si la mise en œuvre semble plus délicate ». « Mais il y a déjà beaucoup à faire à droit constant, se félicite-t-il. Nous allons d'ailleurs créer plusieurs outils pratiques en 2014 à l'attention des acteurs des sports de nature : des fiches techniques d'aide à l'écriture des conventions entre les partenaires, des journées de formation ouvertes aux agents des collectivités territoriales, la publication de l'étude réalisée avec le CDES et, enfin, le site internet Suricate, destiné à centraliser les signalements utiles au bon entretien des sites de sports de nature. » Bref, de quoi conseiller, susciter et accompagner. Sans plus de contrainte que n'en ont les pratiquants de sports de nature eux-mêmes.