Les partenaires et les participants n'ont jamais été aussi nombreux à se mobiliser qu'à l'occasion de la cinquième édition de «Sentez vous sport» qui se tient du 13 au 21 septembre 2014. La perspective d'une première Semaine européenne du sport en 2015 motive l'ensemble des acteurs. Y compris les ministères des Sports et de la Santé qui reviennent à point nommé, après avoir snobé l'événement en 2013. Un retour tactique?
Le Comité national olympique et sportif français (Cnosf) veut mettre la France en mouvement. En 2010, il a mis sur pied une opération nationale de promotion du sport pour tous baptisée «Sentez-vous sport». Il s'agit en quelque sorte d'une grande fête du sport, organisée dans différentes villes avec la participation de clubs et de fédérations membres du Cnosf, mais pas seulement. Des écoles, des universités et même le monde de l'entreprise sont aussi appelés à se mobiliser et à conduire des actions de sensibilisation.
Engouement
L'objectif est donc d'encourager les Français à pratiquer une activité physique et sportive, si possible dans un club. Mais aussi et surtout de rappeler au plus grand nombre, les bienfaits «santé» de l'activité physique pratiquée régulièrement, que ce soit pour le corps ou pour l'esprit. Cette année le programme s'étale donc sur neuf jours contre sept en 2013, cinq en 2012 et deux lors des deux premières éditions. Des centaines de manifestations (démonstrations, animations, conférences...) sont programmées à travers la France. Elles devraient rassembler plus d'un million de visiteurs! Sur la base de ces chiffres, le mouvement apparaît prendre de l'ampleur. Un constat que ne contredit pas bien sûr Denis -Masseglia, président du Cnosf. «Nous observons un engouement sans précédent», nous explique-t-il. Je pense qu'avec ce programme, nous sommes au début d'un vrai phénomène de société qui peut avoir un impact sociétal considérable». À la manière d'un médecin qui pose un diagnostic avant de prescrire le traitement, Denis Masseglia fait ici référence «à la morosité ambiante, au manque d'optimisme et de dynamisme» de la population.
Un plus
Dans ce contexte, le programme «Sentez-vous sport» tombe à pic: «il doit être une illustration de cette capacité du sport et du mouvement sportif d'apporter un plus'' important à la société actuelle». Autrement dit, il est un appel à suivre les conseils des scientifiques: pratiquer de façon régulière une activité physique. Pour le président du Cnosf: «vous serez mieux dans votre tête, mieux dans votre corps, donc mieux dans la société». «Sentez-vous sport» vise donc à donner un élan à toute une population éloignée de la pratique. C'est le cas de nombreux jeunes. «Un sur trois ne fait pas de sport dans un club et cette proportion grimpe à deux sur trois dans les quartiers populaires», déplore Denis Masseglia. Il est fondamental de les inciter à pratiquer, notamment ceux qui sont en manque de repères ou qui se trouvent plus ou moins sur le bord de la route». Pour y parvenir, le dispositif est articulé autour de quatorze villes phares: Bordeaux, Clermont-Ferrand, Lille, Lyon, -Marseille, Metz, Montpellier, Mulhouse, Nantes, Nice, Paris (La Défense), Rennes, Rouen et Toulouse. Dans toutes ces villes, les comités régionaux olympiques et sportifs (Cros), comités départementaux olympiques et sportifs (CDOS) et comités territoriaux olympiques et sportifs (CTOS) locaux se sont mobilisés pour proposer des activités aux jeunes et aux moins jeunes.
Objectif atteint
Présidente de la Fédération nationale du sport en milieu rural (FNSMR) et directrice du CDOS de Haute-Garonne, Brigitte Linder a fait de Toulouse une ville «phare» parmi les «villes phares» de l'opération. En 2013, un total de 76 disciplines - «sur terre, dans les aires et sur l'eau» - ont été présentées sur le site du Lac de Labège. 76 comités départementaux étaient engagés et 36 communes associées. Le tout avec la participation de 370 bénévoles. «C'est bien simple, nous attendions 5000 visiteurs, nous en avons eu 8000 sur les deux jours» explique-t-elle. Parmi eux, «beaucoup de familles mais aussi des jeunes dans un esprit de respect mutuel. Ces derniers ont particulièrement apprécié le fait de pratiquer gratuitement des activités qui leur semblaient inaccessibles comme l'aviron, l'escrime ou le golf». Dans la foulée de l'événement, Brigitte Linder n'a cessé de décrocher son téléphone «pour des demandes de renseignements de parents qui souhaitaient avoir des coordonnées de clubs». Avec le recul, elle estime que «Sentez-vous sport» a généré la signature de 370 licences supplémentaires sur le département. L'objectif est donc atteint sur tous les plans». Et cette année? «Nous repartons sur deux après-midi, les 20 et 21 septembre, avec 500 bénévoles. L'événement prend une ampleur considérable, c'est certain.»
À la rencontre du public
Un peu plus au Nord, à Nantes, l'opération se déroulera les 27 et 28 septembre, en dehors des dates officielles. Impossible toutefois de la manquer puisqu'elle sera au cœur de la ville, sur le site des Machines de l'Île. «C'est une façon pour nous d'aller à la rencontre du grand public», nous explique-t-on au CDOS, «en particulier vers les personnes qui ne pratiquent pas ou peu». L'emphase est particulièrement mise sur l'aspect sport/santé. «Nous souhaitons aussi mobiliser des acteurs de santé comme des médecins du sport, des nutritionnistes, des podologues...» En parallèle, à l'échelle nationale, des centaines d'actions sont aussi prévues autour de la journée du sport scolaire (17 septembre), au sein des universités (18-19 septembre) et des entreprises (18 septembre). «Tout montre que la pratique sportive d'un collaborateur, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise, bénéficie à celle-ci», reprend Denis -Masseglia. C'est une manière de diminuer le taux d'absentéisme, de prévenir les troubles musculo-squelettiques (TMS) et psychosociaux et d'améliorer le management».
Opportunisme
Le Cnosf compte cette année sur deux alliés de poids, qui l'ont boudé l'an passé: le ministère des Sports et celui de la Santé. «En 2013, ils étaient effectivement sur un programme ciblé sur les malades», enchaîne Denis Masseglia, qui fait allusion à une opération conduite notamment avec les agences régionales de santé (ARS). «Je ne vous cache pas qu'il est plus simple pour nous de conduire ce type d'opération avec leur soutien plutôt que sans. Je n'attends pas de l'État qu'il amène de l'argent. Mais à partir du moment où il soutient une cause menée par un mouvement qui exerce une mission d'intérêt général, son rôle est aussi de légitimer l'action du Cnosf». Les esprits mal intentionnés ne peuvent toutefois s'empêcher de voir en ce double retour ministériel, une forme d'opportunisme alors que la première Semaine européenne du sport se profile en 2015. «Non, je ne pense pas», rétorque du bout des lèvres, Denis Masseglia qui - il est vrai - de par sa position peut difficilement acquiescer. «Lorsque j'en ai parlé avec la ministre, il n'y avait encore rien d'officiel par rapport à cette semaine européenne».
Sport et santé en trois chiffres
• 30%, c'est la diminution du risque de mortalité prématurée (c'est-à-dire avant 65 ans), observée lorsque l'on pratique au moins 3 heures par semaine d'une activité physique modérée. Ou au moins 20 minutes trois fois par semaine d'une activité intense.
• Entre 40% et 50%, c'est la diminution du risque de cancer colorectal observée lorsque l'on pratique une activité physique de façon régulière. La baisse varie entre 30% et 40% pour le risque de cancer du sein.
• 10000 pas par jour, c'est la recommandation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en termes d'activité physique.
Impulsion
La prochaine grande étape de «Sentez-vous sport» se situe justement au niveau de son intégration, dans cette perspective européenne. D'autant plus que l'événement continental se déroulera aussi en septembre. Il sera structuré de la même façon que «Sentez-vous sport», à travers des cibles différentes. «Il serait immodeste de dire que nous avons inspiré cette approche européenne», poursuit le président du Cnosf. «En revanche, notre expérience a permis à la commissaire européen chargée des sports Androulla -Vassiliou de prendre conscience qu'il était possible d'organiser une opération de ce type. Et que cela pouvait fonctionner». Comme l'a souligné Mme Vassiliou, «notre but est d'organiser un événement majeur à l'échelle européenne pour aider nos concitoyens à changer leur mode de vie tout en s'amusant. Il est nécessaire de prendre des mesures pour convaincre tous les citoyens d'abandonner leur vie sédentaire et de pratiquer quotidiennement une activité physique ou sportive. Un tel comportement est essentiel, non seulement pour la santé et le bien-être, mais également en raison des coûts économiques importants résultant de l'inactivité physique». Le mouvement sportif français a donné l'impulsion. Il ne manquerait plus que les ministères des Sports et de la Santé se l'approprient. Et qu'ils envisagent de passer du statut de partenaire à celui de locomotive...