À l'heure où les instances européennes et françaises tendent à vouloir limiter le recours aux traitements phytosanitaires inorganiques, l'emploi de méthodes plus naturelles s'impose. Mais l'heure du zéro phyto n'est pas encore venue car les produits chimiques restent incontournables dans certains cas.
Soumis à différents stress (hydrique, thermique) et malmenés par les activités sportives (piétinement, arrachement), les gazons de pelouses sportives sont d'autant plus vulnérables aux diverses maladies des plantes (fil rouge, rouille, hélminthosporiose...). Ces maladies font l'objet de traitements préventifs et curatifs, notamment chimiques.
Plus de traitement chimique
Mais la tendance est à l'emploi de méthodes plus naturelles. Pour rappel, le plan «Écophyto 2018» prévoit une réduction de 50% de l'usage de ces traitements chimiques (insecticides, fongicides, herbicides) d'ici 2018. Tous les types d'espaces verts sont concernés, terrains de sport compris. En parallèle, l'arrêté du 27 juin 2011 a restreint le recours à certains produits phytopharmaceutiques aux effets néfastes sur la santé (cancérigènes, mutagènes...) Dernier épisode en date: le vote en janvier dernier par l'Assemblée nationale de la loi «Labbé», du nom du sénateur (Morbihan) qui en a fait la proposition devant le Parlement. Ce texte entend imposer aux collectivités de ne plus recourir aux traitements chimiques pour l'entretien des espaces verts à l'horizon 2020. Les terrains de sport sont-ils concernés? «Dans sa rédaction actuelle, rien ne l'indique explicitement, la loi n'étant pas rédigée de façon très claire, indique Christophe Gestain, président de l'Institut Paysage Environnement. Mais en poussant jusqu'au bout la logique de ce texte, pourquoi les terrains de sport en seraient-ils exclus, dans la mesure où des enfants peuvent être amenés à pratiquer des activités sur les terrains de haut niveau?».
Obligation de résultat
Alors, l'heure du «zéro phyto» est-elle venue? Pas encore tout à fait, en conviennent les partisans du «bio»: «Des impossibilités subsistent, reconnaît Anthony -Barrier, gérant d'Écho-Vert Auvergne. Il n'y a pas, par exemple, d'alternatives aux désherbants chimiques.» D'autres vont même jusqu'à laisser entendre que les traitements chimiques sont indispensables aux terrains de haut niveau: «Je ne dirais pas non aux produits bio, mais aujourd'hui, les terrains de football professionnel se doivent d'être au «top», argue Robert Jobard, directeur général de -Sportingsols. Nous faisons des essais sur ce type de produits en gazonnière, mais pas sur les terrains de L1. Être sous contrat avec une collectivité locale implique une obligation de résultats.» Régulièrement décriés dans la presse sportive, les terrains de Ligue 1 et de Ligue 2 ont désormais droit, comme leurs utilisateurs, à leur championnat de France. La Ligue professionnelle de football a en effet échafaudé un cahier des charges permettant d'opérer un classement des pelouses de l'élite professionnelle. Ce championnat dans le championnat serait suffisamment pris au sérieux par les propriétaires des stades pour ne rien laisser au hasard.
Phyto-stimulation
Il n'empêche, les traitements bio font depuis plusieurs années l'objet de tests grandeur nature. Le réseau indépendant Écho-Vert, regroupant des entreprises fournissant engrais et traitements bio, a mené des expérimentations sur des terrains communaux en Lorraine. Un nouveau test, sur le terrain d'entraînement d'un grand club de football de la région, devrait être mené au printemps. «Nos traitements visent à instaurer une «phyto--stimulation» c'est-à-dire un développement des défenses naturelles des plantes, indique Brigitte Meyer, gérante d'Écho-vert Lorraine. En général, il s'agit plus de réglages sur des protocoles que sur la vérification de l'efficacité des produits. Nous n'allons jamais jusqu'au risque de mort du végétal. C'est hors de question pour un green de golf, par exemple.» Écho-Vert est connu notamment pour ses traitements organiques incorporant le Trichoderma, un champignon bénéfique qui a la vertu de détruire d'autres champignons pathogènes. «Beaucoup de traitements organiques utilisés à l'origine en viticulture sont transposés aux espaces verts, poursuit Brigitte Meyer. On travaille beaucoup également avec des acides aminés (éléments de base constitutifs des protéines -NDLR), qui sont dispensés aux plantes par arrosage ou pulvérisation, selon que le produit est absorbé par voie racinaire ou foliaire.»
Pas automatique
Des essais sont encore nécessaires pour que ces traitements bio, qui ont déjà montré leur efficacité sur les espaces verts, soient adaptés aux spécificités des terrains engazonnés (stress hydrique et thermique, piétinement, arrachement). Mais il apparaît qu'un nécessaire changement d'approche est en marche. C'est en tout cas le credo de Christophe Gestain: «Il faudrait se convaincre du fait qu'il en va de même des produits sanitaires que des antibiotiques: «c'est pas automatique», selon le slogan publicitaire désormais bien connu. Ils doivent être considérés comme une solution de dernier ressort, non comme la première des réponses à apporter. Il est possible d'y déroger en mettant en place une stratégie intégrée, faisant appel à toutes les autres techniques susceptibles de mettre les plantes dans les meilleures dispositions.»
Usage parcimonieux
La preuve par l'exemple à -Toulouse, la ville rose étant propriétaire du Stadium (enceinte du Toulouse football club): «pour le Stadium, nous effectuons des traitements phytosanitaires lorsque des maladies cryptogamiques apparaissent, fait savoir Fabien Granier, ingénieur au service technique de la direction des sports de la ville. Ce traitement est systématique lors d'un pithyum. Mais il ne l'est pas lors de maladies moins graves où nous évaluons le risque avant de décider ou pas de traiter. Nous essayons, pour éviter d'avoir recours à des traitements phytosanitaires, de bien gérer l'arrosage, les travaux mécaniques, la tonte, la fertilisation avec des engrais à libération lente.» Cet usage parcimonieux des produits chimiques s'accompagne également d'essais portant sur des traitements biologiques: «Nous avons fait des tests sur des bio--stimulants racinaires et des produits qui stimulent l'activation microbiologique du sol. Mais à ce jour, il n'y a pas de produits permettant de lutter contre certaines maladies; il n'est donc pas envisageable de ne plus utiliser [de traitements phytosanitaires]. Cependant, nous ne les systématisons pas» conclut l'ingénieur.
Par Idir Zebboudj