
© Jacques Robert
L'élection d'un ex-sélectionneur de l'équipe de France, ancien ministre des Sports, n'est pas un événement fréquent. Derrière l'éclat médiatique, le projet de la nouvelle équipe de la Fédération française de rugby s'appuie sur deux piliers principaux: améliorer la gouvernance et réorganiser les pratiques. Et profiter de la réforme territoriale pour mettre en place une nouvelle organisation fédérale.
La conviction de Bernard Laporte, nouveau président de la Fédération française de rugby, lui serait venue en 2014 lors de sa convocation à Marcoussis devant la commission de discipline de la fédération (1). « J'ai été reçu comme un moins-que-rien. Blessé par un tel manque d'élégance, je me suis promis ce jour-là de me présenter à la présidence de la fédération en 2016. Non par vengeance personnelle, mais parce que je venais de toucher du doigt ce qui est le lot quotidien des présidents de club: l'autisme et le mépris d'une Fédé qui s'est totalement coupée du monde du rugby. »
Perspective
Dix-huit mois et 120 réunions plus tard, il est élu confortablement devant deux autres listes (une première au rugby!) président de la fédération. Après avoir transformé une blessure d'orgueil en programme politique (lire encadré), il lui faut maintenant réussir le pari de la transformation de la fédération. Car pour le directeur technique national (DTN) Didier Retière, la transformation est nécessaire.
«Le rugby a explosé en France. Nous prétendons au titre de deuxième sport préféré des -Français. La fédération s'y est adaptée par l'accumulation de dispositifs successifs. Il est nécessaire de tout remettre en perspective pour adopter une organisation moderne et efficace ». Car c'est bien là l'enjeu que s'est donné le nouveau président. Derrière l'éclat médiatique des mesures des premiers jours: arrêt du projet de construction du Grand Stade, après-midi du dimanche réservé aux compétitions amateurs (début des retransmissions télévisées de rugby reporté à 17 heures), dotation de chacun des 1895 clubs d'un écran télé et d'un abonnement Canal Plus, le projet de la nouvelle équipe s'appuie sur deux piliers principaux: améliorer la gouvernance, réorganiser les pratiques.
Responsabiliser
« La réorganisation territoriale est une opportunité dont nous devons profiter pour mettre en œuvre une nouvelle organisation », poursuit le DTN. L'idée forte consiste à plus responsabiliser les treize nouvelles ligues en leur laissant une plus grande souplesse pour adopter une organisation adaptée à leur histoire et leur contexte. Des moyens fédéraux accompagneront ces évolutions: création d'un fonds de développement du rugby, alimenté par les revenus des droits d'image et du partenariat pour financer les actions entrant dans le cadre du projet fédéral, création sur des fonds fédéraux de 130 postes de cadres techniques territoriaux qui viendront compléter les 70 existants.
Proximité
Campagne électorale oblige, cette réorganisation est à construire et les travaux devront être conduits à marche forcée. Sans attendre l'injonction fédérale, dans les régions les choses sont déjà en route. Ainsi en Ile-de-France, région pourtant réputée non concernée par la réforme territoriale, la ligue Ile-de-France de rugby se prépare à se séparer de trois départements (Oise, Aube, Marne) qui lui étaient auparavant rattachés. «Nous préparons des conventions de partenariat avec ces trois départements qui permettront de faire évoluer nos relations pour coller à la nouvelle organisation », déclare le président Jean-Louis Boujon. Soulignant qu'il n'avait pas attendu pour s'interroger sur son organisation, anticipant en quelque sorte la nouvelle politique fédérale. «À côté du comité exécutif, nous avons mis en place un conseil des présidents de clubs et un conseil des présidents de comités départementaux. Nous voulons imposer la proximité comme règle d'action, repréciser le rôle des cadres techniques, développer une logique participative à travers la consultation directe des clubs sur les sujets importants. »
Tronc commun
Le programme de la nouvelle équipe présage d'une profonde évolution de la vie sportive fédérale. Au cœur de celle-ci, la direction technique. Le DTN devient le pivot de cette politique et des moyens affectés. À charge pour lui de mettre en place une nouvelle organisation des compétitions, un tronc commun de formation des joueurs et joueuses qui les prépare à la fois au rugby à 7 (olympique) et au rugby à 15, et de piloter le haut niveau: un poste de DTN adjoint en charge du rugby à VII est prévu. «Nous sommes encore très polarisés sur le rugby à 15. De nouvelles activités sont apparues: le rugby à 7, le rugby à toucher (à 5) pour la santé, l'éducation, le loisir, les pratiques féminines. Nous devons intégrer toutes ces nouvelles demandes et avoir le souci d'offrir à nos pratiquants un programme d'activité motivant qui leur permette à la fois de pratiquer le 15 et le 7. »
(1) « Ce rugby que j'aime » (éditions Solar).